2014 / Journées du patrimoine

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Itinéraire

Marie-Pierre Vagne-Laboulandine

 

Cet itinéraire comme une piste de recherche, passe par l’histoire de l’art et des images. C’est pourquoi il tient compte des aléas du temps, de l’espace et de la lumière, à travers le premier réceptacle de ces phénomènes, à savoir notre corps et notre esprit. Le portrait et la figure de la chute en sont la traduction dans la proposition plastique.

Dès son origine, la question d’un au-delà n’a cessé d’apostropher l’humanité. Cette quête s’est muée pour l’homme moderne en un désenchantement du monde comme réponse à sa propre finitude. Ce désenchantement a vu la fin des superstitions, mais parallèlement s’est chargé d’une perte de sens. Depuis l’Édit de Constantin en 313, le chistianisme n’a cessé d’irriguer l’histoire de l’Occident. « Jusqu’à la renaissance, l’art est la louange que l’homme adresse à Dieu » dira Malraux. Le siècle des lumières a par la suite définitivement et profondément modifié les relations entre l’art et le sacré, les hommes se sont alors raisonnablement tournés vers la science.

Malgré cette volonté de changement radical, les fondements religieux de la société occidentale ont continué de se faire sentir, l’éclairage chrétien s’est partiellement maintenu.

Une installation plastique ne se révèlant qu’à travers le lieu où elle se tient, iI m’est apparu évident d’interroger les mots du texte de l’Apocalypse de Saint Jean dans la singularité architecturale de l’édifice religieux d’une église. Dans ce lieu, le travail a pris forme de représentation vivante.

La rencontre avec Gabrielle Godart a été décisive dans l’aspect artistique de cet évènement puisqu’elle a proposé de mettre sa voix au service du projet en utilisant la chanson profane. Ainsi image et voix s’entrelacent dans l’église, comme une rencontre entre profane et sacré. Cela a donc pris la forme d’une vidéo vivante, d’une performance.

Dans cette installation, les mots de l’Apocalypse se déposent sur le sol de la nef comme un voile marital, et les images se dressent en mouvement sous forme vidéographique sur le support symbolique de la croix. La voix de Gabrielle vient souligner la brillance du texte, qui est également lu.

Cette exploration s’offre comme un éloge du doute. J’ai cherché et tenté de dévoiler un mystère mais il demeure, comme immatérielle vérité. Ce chemin a pris forme d’art, il évolue et se transforme de manière imprévisible, à l’image du texte sur lequel il s’appuie. La lecture, la relecture et l’écriture de cet écrit m’ont nourri et je retrouve les termes de Georges Duby :

Le texte de l’Apocalypse est fascinant(…) Le grand secret ne peut se dévoiler qu’à mots couverts. Ces mots le sont. Ils intriguent. Ils tirent de son assoupissement l’esprit. Ils incitent à la recherche. Ce sont les graines d’un désir de s’avancer d’équivalence en équivalence vers la clarté.*

Il s’agit d’avancer d’équivalence en équivalence, vers la lumière, entre mémoire et utopie, entre passé et futur. Le temps s’est glissé à travers chaque geste peint comme une quête dans le visible. Cela s’apparente à une recherche qui rencontre la mystique de l’invisible et du lumineux. A l’horizon de cette quête, se révèle enfin un visage, celui de notre humanité.

La présente démarche se situe donc au coeur de cette humanité et propose comme une évidence ses dualités multiples. Des dualités qui toutefois s’équilibrent dans le donner à voir, ce que tente de constituer la proposition plastique. Ce travail est à lire comme un geste, une aspiration à la beauté fût-elle terrible, un besoin de donner sens au réel fût-il absurde.

Cette quête vers la beauté n’est pas à lire en positif mais elle est une résistance vers ce qui semble m’apparaître dans la brêche du visible, comme la seule hypothèse vitale possible.

* Georges Duby, L’art et la société, Gallimard, 2002.

 

 

Gabrielle Godart

a suivi une formation de pianiste classique et de comédienne au Conservatoire de Bordeaux. À Paris elle découvre la voix et les mécanismes passionnants du chant, qu’elle ne cesse de pratiquer depuis. Elle travaille dans divers projets et aventures de théâtre et de musique, notamment avec Les Sardines, Achille Tonic (Shirley & Dino), Alfredo Arias, Howard Buten, Les Tréteaux de France, Matthias Langhoff… incluant un parcours de 10 ans dans le jazz avec le trio vocal Sweet System. Depuis quelques années elle s’intéresse à la transmission et organise, en partenariat avec divers pédagogues de la voix, des stages de chant pour amateurs ou professionnels, leur faisant ainsi partager sa double expérience de musicienne et de comédienne. En 2012, elle rejoint la bande des « Papous dans la tête » sur France Culture. Elle est actuellement pianiste accompagnatrice au Conservatoire de Nevers.

 

 

 

Remerciements à l’association des Amis de Moutiers qui a accueilli cette vidéo-performance (durée : 45mn) avec une chanteuse, une lectrice et une vidéo pour les journées du patrimoine 2014 en l’église de Moutiers dans l’Yonne.

 

Nos remerciements vont également à Théo pour le montage de la vidéo, à Gilles pour sa participation technique, à Hugo pour sa bande son lors de l’exposition et à tous ceux qui ont soutenu cette production.

 

 

 

 

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